À 45 ans, Mylène Varona est depuis deux ans à la tête de la Ligue de l’enseignement de l’Ariège.
Mais comment en est-elle arrivé là ?
Une voie verte
Au départ, des études à Toulouse puis au centre universitaire de Foix avec Laurence Barthe et Pierre Torrente, la destinaient plutôt à une activité professionnelle liée au développement local, à l’aménagement du territoire et au tourisme.
Mais c’était sans compter sur l’œil bienveillant et surtout visionnaire de notre sénateur d’aujourd’hui : Jean-Jacques Michau.
Alors président de la communauté de commune de Mirepoix où Mylène effectuait un stage de fin d’études et par ailleurs directeur de la Ligue de l’enseignement de l’Ariège, ce dernier lui propose un poste dans cette fédération d’éducation populaire.
Mais un poste de gestion de l’accueil, dans un premier temps…peut-être pour la tester… poste qu’il pensait déjà incontestablement faire rapidement évoluer en s’appuyant sur les compétences qu’il avait observées.
Alors Mylène n’hésite pas. Elle prend la voie verte qu’elle avait contribué à développer en pays de Mirepoix dans le cadre de son stage et atterri à Foix, au 13 rue du lieutenant Paul Delpech !
Vous avez dit Éducation populaire ?
L’éducation populaire ? ce n’était pas, a priori, sa porte d’entrée.
Bien que, en y réfléchissant, peut-être pouvons-nous nous interroger ici sur l’influence du vécu de l’enfance sur notre vie professionnelle future.
Mylène se souvient alors de sa vie au sein de l’école de Rieucros, auprès d’enseignants très impliqués, au travers de projets USEP notamment. “Des classes de découverte mémorables, de supers séjours, de supers projets… cette expérience, non conscientisée alors, m’a sans doute permis de comprendre immédiatement le champ d’action de la Ligue de l’Enseignement”.
“La méthodologie de projets, le lien aux associations affiliées, aux acteurs locaux, mais aussi le développement de classes de découverte, de projets d’actions diversifiées… ça m’a tout de suite parlé. Et j’ai trouvé dans les personnes qui m’ont accueillie une bienveillance, un discours engagé notamment chez Guy Cirla qui m’a guidée sur mon chemin, un peu comme un mentor sans le savoir. J’ai trouvé également une énergie positive qui m’a immédiatement stimulée.”
Le goût du défi
Si elle est restée dans un premier temps mesurée dans son engagement, souhaitant assumer pleinement en premier lieu son rôle de maman de deux petites filles à l’époque, lorsque le poste de direction s’est présenté à elle en 2022, c’est sans trop hésiter qu’elle a postulé. Une suite logique lui semble-t-il, une occasion de montrer son attachement à la Ligue, de prendre des responsabilités…et de relever aussi un défi !
Un défi parce que le contexte actuel est loin d’être favorable et qu’il l’oblige à revoir ses ambitions à la baisse. “Gérer le quotidien dans une période de crise politique, économique, sociale, dans une période où la vie associative est mise à mal par les pouvoirs publics, m’oblige à mettre mon envie de ‘changer le monde’ sur la touche. Mais sur la touche seulement, parce qu’elle est persuadée qu’une période plus enthousiaste sera la conséquence logique du désordre actuel.
Elle sait qu’elle pourra alors faire des valeurs de la Ligue qu’elle incarne pleinement, un moteur de l’action future. “La ligue a 160 ans. Elle a traversé des périodes de doutes et de turbulence, elle a connu le régime de Vichy, a su se relever après. Je suis donc remplie d’espoir ! Ce que nous traversons aujourd’hui est une opportunité pour se rassembler, pour retrouver la fibre, pour plus de solidarité, pour être plus forts encore.” La solidarité, c’est aussi ce qu’elle aimerait que les membres du réseau “Territoires Éducatifs 09” cultivent, dans cette période d’inertie collective où tout semble si fragile et où tout est remis en questionnements.
Un attachement au territoire
Son parcours l’a amenée à développer une compréhension de l’environnement, une capacité d’analyse, une capacité à gérer la complexité qui va lui permettre, le moment venu, de rebondir et de porter un projet qui a aujourd’hui perdu un peu de son sens.
Cet optimisme, cette force, ces convictions, cette énergie, malgré un côté un peu introverti qui laisse peu paraitre des émotions qu’elle porte pourtant en bandoulière, elle les tient d’une enfance passée dans un milieu très sécurisant, très bienveillant, très aimant. Une famille très soudée, très rassemblée en Ariège, qui lui a donné cette envie de s’installer dans ce département, pour son cadre de vie exceptionnel aussi et de contribuer ainsi à son développement au travers de son savoir-faire.
Un attachement au territoire qui ne l’empêche pourtant pas d’aimer se ressourcer parfois au sein des villes et des richesses patrimoniales qu’elles offrent (Paris, mais aussi des capitales européennes). « Je ne vais par contre pas m’enfermer dans un musée, je préfère le concept de musée à ciel ouvert, la déambulation contemplative, l’observation du comportement des gens dans la ville ».
Et puis, de temps en temps, lui prend des envies d’exotisme, d’eaux chaudes, de ciel bleu…une envie de vivre sur une île, envie qu’elle concrétisera sans doute un jour quand ses filles seront autonomes.
Moi professionnel et moi personnel
Mais elle est également passionnée de montagne, de nature, de randonnée. En mixant ces passions à son attachement à l’Ariège, qu’elle aime partager, elle s’est investie depuis quelques années dans l’UltrAriège. Parce que cette course, qui part de Guzet pour arriver à Ax-les-Thermes, n’est pas une simple course réputée difficile. Elle est aussi une occasion de traverser des villages, d’y amener la fête au passage des coureurs, de créer du lien social et de contribuer au développement local. La course met également en valeur des producteurs locaux, des tables gourmandes, des bières locales…
Mylène a incontestablement amené sa touche à cette organisation. “On n’est pas quelqu’un dans sa vie professionnelle et quelqu’un d’autre dans sa vie personnelle”, dira-t-elle.
“J’ai mis ma touche d’éducation populaire et de développement territorial dans cet évènement et dans le collectif qui le porte”.
Même si elle a du mal à voir très loin et à se projeter dans les dix prochaines années, elle sait, a minima, que “mes valeurs ne m’amèneront pas à travailler dans une multinationale” dira-t-elle en riant.
Investissement dans sa famille auprès de ses filles qu’elle accompagne dans un parcours qui peut s’avérer complexe pour les jeunes aujourd’hui, investissement professionnel, investissement dans l’UltrAriège, lui laissent peu de temps et place pour autre chose.
Alors elle aime se détendre dans la pratique personnelle de la course et de la randonnée, mais aussi devant des images de sports collectifs ou individuels qu’elle affectionne, ou encore devant des films qui lui procurent une sensation de détente immédiate, mais surtout pas une impression d’angoisse. “Je suis très sensible dira-t-elle, même si j’ai plutôt tendance à cacher mes émotions et à éviter ce qui me bouscule trop, émotionnellement parlant.”
Côté littérature peut-être ne sera-t-on pas étonnés après ce portrait, de savoir que Mylène a gardé un souvenir très fort de “L’écume des jours” de Boris Vian. En effet, l’Écume des jours c’est un ouvrage dans lequel l’auteur dénonce à la fois des conditions de travail inhumaines et la superficialité de la société. Et c’est aussi ce qu’en dit la comédienne et metteuse en scène Claudie Russo-Pellosi :
« De ce monde chargé de menaces ne resteront plus que les derniers pétales ainsi que la fine mousse du torrent de la vie, cette écume laissée par la vague ».
Claudie Russo-Pellosi
À méditer
Inteview et portrait réalisé par Nadine Begou