La ligue de l’enseignement de l’Ariège proposait vendredi dernier une conférence sur le thème « Peut-on réformer l’école aujourd’hui ? ».
Pour répondre à cette question, les co-présidents de la Ligue avaient invité Guy Cirla qui se qualifie lui-même « d’ancien instituteur » et Patrick Coste, dont le parcours légitime une parole experte puisqu’il a été successivement CPE en zone sensible, professeur de philosophie, personnel de direction en collège, lycée, lycée professionnel, délégué académique à l’action culturelle, formateur de CPE, de personnels de direction, d’agents comptable, de coordonnateurs culturels…
« L’Education face à l’impossible » est le titre de l’ouvrage qui est support aux conférences, aux rencontres, qu’il propose depuis sa sortie .
Force est de constater qu’aujourd’hui la France est 23ème au classement PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) sur 79. Un autre classement montre qu’en ce qui concerne les mathématiques et les sciences en classe de CM1 et en 4e, la France se retrouve en 49ème position sur 50, soit avant dernière devant le Chili. De plus, la France génère les plus grands écarts de résultats entre « les riches et les pauvres », entre les favorisés et les défavorisés.


La séparation entre les uns et les autres s’est ainsi accentuée, éloignant incontestablement l’éducation de son objectif républicain.
Guy Cirla parlera de « déni alors que le mal-être des élèves, de leurs parents, comme celui des enseignants est la preuve de la dramatique perte de sens, pour eux, de notre école ».
Patrick Coste attribue cette perte de sens notamment aux conditions de pilotage de la « grande maison Éducation Nationale ». Une suite de réformes pourtant engagées depuis 50 ans, en accéléré, n’ont globalement pas produit des résultats très satisfaisants.
La singularité du discours de Patrick Coste réside incontestablement sur l’accent qu’il met sur l’apprenant, sur l’élève, sur l’évolution de son comportement face à l’évolution de la société.
Une évolution qui est pour lui à rattacher à la place qui est aujourd’hui faite à l’économie et à la compétitivité dans la société française. Les méthodes reliées à l’entreprise ont, de son avis, envahi les modes managériaux et techniques du système éducatif, l’enjeu national portant sur le renforcement de la compétitivité européenne.
L’exemple qu’il cite repose sur la pédagogie par compétences qui permet de valoriser le capital humain, mais en mettant de côté le caractère humaniste de l’éducation. « Chaque individu est désormais envisagé comme une petite entreprise potentiellement valorisable et le savoir devient un instrument clé de cette performance » dit notamment Patrick Coste dans son ouvrage.
Ce qui est certain c’est que la pédagogie par compétences n’a pas permis à l’école de cultiver une culture humaniste, pour tous.
Patrick Coste parle de destruction du psychisme de l’enfant, atteint dans ses capacités d’apprentissage par l’évolution de la famille, le discours capitaliste et le numérique.
De son avis, une institution comporte un certain nombre de formes d’organisation qui se reproduisent. Les fonctionnements, la répartition ou l’organisation des pouvoirs…développent une certaine inertie, une certaine reproduction qui peut devenir déphasée par rapport au changement du réel.
Un réel qui a pourtant bien besoin d’être pris en compte si on veut enrayer la perte de confiance exponentielle en l’école.
Une des solutions évoquées par Patrick Coste concerne ce qu’il appelle la zone proximale de développement.
Dans le processus actuel de perte de l’autorité de l’adulte, Patrick Coste mise sur la reconquête de l’autorité, qui ne passe pas par la sanction et qui, au contraire, ne peut se faire que dans une proximité étroite, proximité qui est une alternative à la déculturation ambiante.
Cette réflexion amène une nécessaire baisse des effectifs dans les classes mais également l’intégration d’une réelle pédagogie de la proximité, « une conception déconstructrice des pouvoirs académiques et corporatistes qui corsètent tout le pouvoir éducatif ». C’est aussi une pédagogie de la différenciation que les enseignants sont en mesure de mener.
In fine, cet ouvrage de Patrick Coste montre comment le pouvoir et le savoir sont interconnectés, comment les stratégies de contrôle et de régulation sociale sont à l’œuvre et comment l’école court le risque de ne plus être garante de sa mission républicaine.