Les dix lauréats de l’appel à projets du fonds d’expérimentation de la jeunesse portant sur la jeunesse en milieu rural se sont retrouvés à Montreuil le 26 novembre dernier ; nous y étions ! Le rapport de l’INJEP a été diffusé ce même jour.
Rappelons le principe de ces expérimentations :
Le Fonds d’Expérimentation de la Jeunesse suscite des initiatives innovantes de la part de terrains divers. Il s’agit de tester de nouveaux programmes pour d’éventuels essaimages, à terme. La période est forcément déterminée dans le temps, l’échelle d’action est délimitée et le tout est sous couvert d’une évaluation externe répondant à des exigences scientifiques élevées.
« Territoires Éducatifs 09 » a été ainsi lauréat de cet appel à Projets au travers de l’expérimentation AJIR (Agir avec les Jeunes pour un Impact Rural), menée aux côtés de l’agglo Foix Varilhes et de la communauté de communes Arize-Lèze.
Mélanie Gambino, enseignante chercheuse en géographie et spécialisée sur la jeunesse des territoires ruraux, a introduit le propos en mettant en avant la nécessité qu’il y avait à ne pas opposer jeunes urbains et jeunes ruraux. Beaucoup de similitudes sont relevées dans de récentes études. Elle mettait également en exergue que la capacité d’adaptation des jeunes ruraux à des situations complexes était un atout, une force pour leur avenir !
La synthèse des travaux menés par l’INJEP fait quant à elle ressortir :
« S’ils sont soumis à des problématiques similaires (difficulté d’accès à certains services, à la mobilité) les « jeunes ruraux » sont loin d’être saisissables comme un tout homogène et présentent, comme les jeunes urbains, des particularités suivant divers critères (territoire, catégorie sociale, âge, niveau de diplôme, genre…). Toutefois, ils sont aussi porteurs de ressources et de capacités d’innovation qui leur sont propres.
Il est donc important, pour étudier cette jeunesse, d’analyser l’environnement familial, géographique et social dans lequel ils sont inscrits afin de « comprendre que toutes les jeunesses rurales ne sont pas logées à la même enseigne […] l’espace rural est lui-même fragmenté et polarisé, entre des campagnes dynamiques et d’autres en déclin. En cela, « grandir à la campagne est une réalité plurielle. »
Les effets des expérimentations diffèrent en fonction des profils des jeunes et de leurs besoins ainsi que du type d’accompagnement mis en œuvre. De manière générale, les évaluations ont montré trois types d’effets majeurs pour les expérimentations concernées :
- une sortie de l’isolement pour les jeunes accompagnés sur le long terme,
- une meilleure connaissance des ressources locales : économiques, associatives ou sociales utiles au développement de leur activité
- une montée en compétences sur l’ingénierie de projets, dans certains cas.
En matière d’insertion socioprofessionnelle les effets constatés dans les territoires sont quant à eux plus modérés et concernent principalement les jeunes aux capitaux scolaires et économiques les plus développés.
Enfin, les objectifs en lien avec l’engagement civique ou associatif des jeunes mériteraient souvent une meilleure prise en considération des dispositions à l’engagement (liées entre autres au niveau de diplôme, à la situation relative à l’emploi ou au sentiment de légitimité à s’engager), ainsi qu’une plus grande reconnaissance de la pluralité des modalités d’engagement des jeunes.
Pour les jeunes aux situations les plus précaires, l’accompagnement mis en place autour de la création d’activités offre une porte d’entrée efficace et non stigmatisante pour un accompagnement social plus large. Les projets se présentent comme l’occasion d’aborder de manière indirecte et personnalisée des problématiques sociales et d’insertion socioprofessionnelle.
La montée en compétences en matière d’ingénierie de projets et la mobilisation des ressources locales semblent bien souvent tributaires des compétences, connaissances et réseaux de chaque professionnel (capital d’autochtonie). Les projets manquent ainsi pour la plupart de pratiques d’accompagnement plus structurées, aux objectifs clairs et partagés par l’ensemble des équipes professionnelles.
Pour être en mesure d’accompagner des activités de différentes natures, il apparaît que la plupart des projets nécessitent la structuration de partenariats et de réseaux solides et diversifiés non seulement à l’échelle des professionnels, mais aussi à celle des associations et/ou des collectivités.
Cinq des projets retenus – qu’ils visent à renforcer l’accès aux droits ou à accompagner à la création d’activités –, évoquent l’objectif d’avoir un effet sur les politiques de jeunesse au niveau local ou a minima sur les réseaux d’acteurs éducatifs, sociaux et économiques de proximité. Ils ambitionnent d’agir sur un ou plusieurs leviers pour faire évoluer les politiques locales : la connaissance et la prise en considération de la variété des besoins des jeunes, l’offre territoriale à destination des jeunes, la transversalité des prises en charge ainsi que la mise en œuvre d’instances de participation.
Les équipes d’évaluateurs notent différents facteurs qui ont entravé le potentiel des expérimentations à créer des politiques de jeunesse concertées et participatives : l’absence de volonté politique marquée de la part des collectivités locales (communes et intercommunalités) ; le « manque d’espaces de coordination des acteurs nécessaires pour accroître l’interconnaissance et les capacités de coopération ».
De manière générale, pour faciliter la mise en œuvre des projets et plus largement de politiques de jeunesse intégrées localement, les évaluateurs identifient plusieurs prérequis : une volonté politique marquée, une association pérenne des élus aux projets mis en œuvre, des partenariats consolidés (y compris formellement via des conventions entre structures), le développement d’une culture et de référentiels communs entre professionnels et enfin une forte intégration des jeunes dès la conception des projets et des politiques locales. »